Néonazisme à la grecque
DOCUMENTAIRE | Disponible en plusieurs langues sur Internet, « Aube Dorée, une histoire personnelle », d’Angélique Kourounis, est un film saisissant sur ce parti qui fait trembler la Grèce
« Mon homme est juif, un de mes fils gay, un autre anar, et je suis féministe de gauche, fille d’immigrés. Si Aube dorée arrive au pouvoir, la seule question pour nous est de savoir dans quel wagon ils nous feront monter. »
Mais Angélique Kourounis n’est pas journaliste pour rien : plutôt que de rester dans la crainte ou se contenter de dénoncer l’essor du néonazisme dans son pays, la correspondante à Athènes de plusieurs médias français (dont « Sud Ouest ») en témoigne caméra au poing et en fait une « affaire personnelle », titre du documentaire de 90 minutes produit par OmniaTV, plateforme en ligne d’information politique et sociale, et désormais disponible sur Internet (1).
Tourné en 2015, diffusé plus de 170 fois pour des groupes et associations, présenté dans une douzaine de festivals en Europe et à l’étranger, ce film haletant montre une Grèce en crise, qu’une rafale de plans d’austérité a paupérisée – «défigurée», affirme l’auteur –, au point d’en faire le terreau d’une extrême droite dont les références fascistes ou nazies et la violence rappellent le climat de guerre civile de l’Europe des années 1930.
Grandes messes fascistes
En 2012, les Grecs découvrent qu’ils ont porté au Parlement 18 députés d’extrême droite. Jusqu’ici simple groupuscule nationaliste, Aube dorée se voit propulsé par la crise économique au rang de troisième parti du pays. Dénonçant la « dictature » des plans d’austérité imposés par la troïka des bailleurs de fonds, revendiquant « la Grèce aux Grecs », les «aubedoriens» cultivent leur popularité en organisant des collectes de sang ou l’aide alimentaire pour les plus démunis, et multiplient les marches avec drapeaux, flambeaux et slogans vengeurs évoquant furieusement les grandes messes du fascisme.
La réalisatrice ne se contente pas de filmer ces démonstrations de force, elle demande et obtient des entretiens avec des militants mais aussi des cadres dirigeants. Face à la caméra, certains propos sont policés mais d’autres ne laissent aucun doute sur le racisme, la xénophobie, le culte de l’autorité et le goût de la violence, qui sont le fonds de commerce du parti.
L’électrochoc Pavlos Fyssas
L’assassinat d’un rappeur très populaire, Pavlos Fyssas, poignardé par un cadre d’Aube dorée, est un électrochoc. Mais l’arrestation de plusieurs députés ne sape pas l’influence du parti d’extrême droite, dont des cadres sont relâchés et qui peut se poser en martyr quand deux deses militants sont tués. Le film relate les épisodes dramatiques de cette guerre civile qui voit le dirigeant d’Aube dorée, Nikos Michaloliakos, revendiquer fièrement la responsabilité politique du meurtre du rappeur.
Aujourd’hui, le parti continue à tenir le haut du pavé dans une Grèce affaiblie. Ce film, courageux et saisissant, incite les Européens à méditer cette leçon.
(1) « Aube dorée, une affaire personnelle », d’Angélique Kourounis et Thomas Iacobi. Disponible sur https://goldendawnapersonalaffair.com en grec, français, anglais, allemand, sous-titres en espagnol, italien, catalan ettchèque.